jeudi 20 octobre 2016

" Dominique Picard et ses tableaux impressionnistes " par Pierre Tanguy

Dire un lieu. L'aborder par ses couleurs, ses senteurs. Dire un lieu sans le nommer mais en faire un tableau. Dominique Picard a posé son chevalet dans un lieu familier, quelque part au bord du golfe du Morbihan ou elle réside. Car son écriture est d'abord picturale, sa plume court comme pinceau sur la toile. " Cet enchevêtrement de verts, cette masse de teintes chaudes au premier plan, me donnent envie de peindre " , confie-t-elle. Mais aucun maniérisme, aucune abstraction non plus. Non, une description fouillée et précise des paysages ou des scènes de la vie quotidienne. Avec toujours cette touche impressionniste qui signe les atmosphères du lieu. " Des oiseaux s'envolent, des grillons bruissent. Les bleus se diluent dans une légère buée sur les lignes de l'horizon.
Dominique Picard nous parle du passage des saisons, de " la marée basse au mois de mai", de l'atelier du peintre, du retour des oies bernaches...Un monde élégant, raffiné, comme épargné par les agressions du monde ( " le temps permet de prendre le thé sur la pelouse "). Il y a quelque chose qui fait penser au tableau de Wateau ( que cite l'auteure ) ou aux estampes japonaises ( également évoquées dans son livre ).
Des couleurs mais aussi des odeurs. " Le chemin sent la compote. Il est bordé de chênes qui l'ombragent. Les pommiers sauvages supportent leurs branches alourdies de fruits odorants ". Ailleurs , il y a ces " senteurs de vase mêlées à celle du foin coupé " " ou encore " les odeurs d'herbe coupée , de terre mouillée, de lilas, de varech et de vase selon la saison ".
Dominique Picard respira son terroir par tous les pores de sa peau. Elle le dit dans des séquences en prose poétique à géométrie variable , mais toujours en gardant la distance avec son sujet . Pas d'affect, pas de réflexion philosophique . Pas de " pensée ", serait-on même tenté de dire. Simplement ( mais n'est-ce pas suffisant? ) la liberté offerte à son lecteur d'entrer dans son univers, comme on le ferait en se penchant sur le chevalet d'un peintre au bord du chemin. " en joignant les index et les pouces , je dessine un cadre qui contient des herbes hautes, des arbustes et des vieux chênes. Ils laissent deviner des murs blancs et des toits". On le voit, l'écrivain n'est jamais loin du peintre.

PIERRE TANGUY